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(Chapitre 1) Black Sails at Midnight
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Black Sails at Midnight

La discussion est close, pour Adam en tout cas. Il commence à claudiquer vers la cabine et remarque que les deux capitaines se séparent également, probablement à l'initiative de Morgan. C'est alors que Samoth l'interpelle, lui faisant arquer un sourcil étonné, lui qui peinait à lui adresser la parole... Le quartier-maître se retourne doucement en pivotant sur sa jambe valide pour observer le truand défaire un de ses nombreux ceinturons pour lui offrir gracieusement et avec trop de bonne foi pour être honnête... surtout de la part d'un pirate. Le plus jeune observe avec curiosité l'antiquité qu'on vient de lui refourguer et écoute, presque sidéré, les « compliments » que lui fait le leader du Bloody Mary. Médusé une seconde, il finit par éclater de rire et se moque à son tour avant de reprendre son petit bout de chemin pour se faire interrompre par son capitaine cette fois-ci.

- Eh bah, dites-moi, j'ai les capitaines à la bonne aujourd'hui.

Il écoute avec un léger sourire les remontrances de son partenaire qui fixe tour à tour son Second et la relique dans ses mains en le dispensant de ses conseils agacés. Son ami soupire, feintant l'amusement.

- Ah, un jour je t'apprendrai la subtilité et toutes les façons insidieuses de retourner une insulte contre son expéditeur. De une, provoquer un incident diplomatique sur le pont n'est absolument pas une bonne idée... absolument pas. De deux, s'il voulait vraiment m'insulter également, l'air de benêt que j'ai pris pour le remercier reflétait toute l'idiotie de sa démarche. Si j'arbore fièrement son présent, il peut bien rire dans son coin de ma stupidité... je rirai dans le mien de son absence de second degré. Et de trois, pour peu que cet objet revête à ses yeux une certaine importance pour qu'il l'ait gardé tout ce temps, je viens de lui voler dans les règles de l'art ! Il donne un coup de coude assuré à son partenaire. T'en fais pas mon vieux, je vieillis mais je suis pas encore gâteux ! Toute son assurance et son charisme s'écroulent quand il manque de trébucher en reprenant sa marche. … juste boiteux !

*
* *

Bien vite, un silence de mort justifié a régné sur le Black Sails tracté par le Bloody Mary. Le Second, sortant tout juste de son petit tête-à-tête avec les capitaines décédés, était subitement resté planté là, le regard vitreux fixé droit devant lui. Cette fois, il hallucinait, vraiment. Son cœur ne fit qu'un bond dans sa poitrine quand il se remémora l'ambiance festive sur ce pont quelques heures plus tôt. Et il les voyait, tous, festoyer, boire, danser, chanter, tels des fantômes habitant ce bateau... et il se voyait aussi au milieu de cette foule, accompagné de Morgan, comme s'ils étaient enfin morts. Il continua sa route, faisant sembler d'ignorer ces visions qui s'imposaient à lui, mais il ne passait pas au travers, marchant tout droit vers son but, il faisait des pas de côtés pour éviter mollement les fêtards, s'arrêtait un moment quand une bande d'ivrognes passait devant lui et reprenait sa route ensuite, zigzaguant ainsi sur le pont... tous les vivants autour de lui se demandant s'il allait faire un malaise. Peut-être bien, mais ses pensées étaient à des lieues de là alors qu'il faisait son bonhomme de chemin au milieu de cette fête spectrale...

Le Second plonge alors dans un trou noir jusqu'à ce que sa conscience ne lui revienne. Il cligne vaguement des paupières, c'est la voix de Morgan qui l'a réveillé. Il est à sa droite, tête basse, on va rendre les dépouilles à la mer... Et voilà que sa gorge se serre... Et pourtant il doit dire quelque chose. Non pas qu'il soit obligé... ou plutôt il s'y oblige. Il avance de trois pas et improvise un discours, les mots venant d'eux-mêmes, criés dans sa tête mais bredouillés par ses lèvres. Il parvient difficilement au terme de sa palabre et s'éloigne en réprimant ses sanglots pour reprendre place. La présence de Morgan proche de lui a toujours été rassurante, mais aujourd'hui cela lui semble bien insuffisant alors qu'un creux se forme dans sa poitrine, oppressant, étouffant et douloureux.

La liste des noms semble ne jamais finir, jamais... et pourtant ils ne sont que vingt-et-un, quarante-deux mots, moins que la plupart de ses tirades... Pourquoi des prénoms font-ils aussi mal ? Parce que c'est la dernière fois qu'on les entendra ou les prononcera ? Parce que c'est un ad... un au revoir ? Il n'aurait jamais pensé que sa séparation avec ces hommes serait si déchirante...

La liste macabre arrive à son terme et le Second se sent à nouveau emporter dans des brumes ténébreuses, coulant dans l'inconscience éveillée au même rythme qu'une larme sur une joue, mais il est à nouveau rappelé à la réalité par la voix de son presque frère qui entonne doucement un chant repris au troisième vers par les survivants de la nuit... Adam ne s'y joint pourtant qu'au deuxième couplet, bredouillant les mots avec une nostalgie lointaine. Son regard vide fixe le dernier drap blanc qui disparaît bientôt dans la mer d'encre... Sa voix n'a rien de ce grave provoquant et enjoué, haut et fort, qui résonna plus tôt... elle est d'une tonalité aiguë, timide, étouffée, torturée... qui ne réalise pas ce qui se passe, tout comme il ne réalise pas qu'il chante ainsi, qu'il ne réalise pas que cette nuit n'a pas été un cauchemar dont il se réveillera.

La veillée funèbre prend alors fin... Morgan donne sans conviction des ordres... tout le monde se dispersant... sauf Adam qui reste planté là, droit comme un I, immobile jusque dans le plus infime de ses traits, comme s'il venait de devenir un des mâts du bateau. Il fixe les planches grinçantes foulées par tant de bottes... Pourquoi tant d'inconnus marchent sur ce bois ? De quel droit prennent-ils la place de leurs camarades, se tiennent-ils à leurs postes, effectuant leurs gestes ? Qu'est-ce que ces connards foutent sur leur Black Sails ?! Une colère froide vient soudain brûler le cœur en peine du quartier-maître qui serre un poing machinalement, ses dents aussi, sans bouger le reste de son corps... Il est véritablement à deux doigts de s'élancer pour saisir une injuste victime et la tabasser à mort, possédé par une colère qui n'arrive pas à trouver sa source, quand Morgan attrape délicatement son bras, balayant brusquement tout ça et ne laissant une fois de plus que le vide dans l'âme de son meilleur ami qui attend un temps avant de fixer les doigts autour de son avant-bras d'un air terne et de suivre mécaniquement son presque frère qui l'entraîne jusqu'à leur cabine. Il reste planté au milieu de la place, regardant un pan de mur alors que le capitaine s'active à tirer les rideaux, changer les draps nonchalamment et s'asseoir brusquement sur le matelas qui grince à peine, incitant son cadet à faire de même. D'une démarche raide, à petit pas, légèrement voûté, Adam arrive au niveau du lit, ses tibias à quelques centimètres seulement de l'armature de bois et fait un demi-tour avant d'y laisser tomber son postérieur, sentant une demi-seconde le matelas qui émet une légère résistance, le faisant rebondir sur quelques millimètres et propageant probablement l'onde jusqu'à Morgan. Il emboîte ses mains l'une dans l'autre et tends les bras, les laissant retomber entre ses jambes écartées, fixant une nouvelle fois droit devant lui pour voir le miroir mural lui renvoyer son reflet aussi lisse que sa surface... il croirait presque voir le reflet de ce reflet dans ses yeux délavés, plongeant dans l'abîme de son image.

Le silence fait office de maître entre les deux pirates mais ils savent très bien ce qui leur passe par la tête à tous deux. Quel égoïsme de se réfugier ici, dans leur antre, à l'écart de tous... le quartier libre a été donné à tous, ils pourraient aussi bien en profiter... mais laisser le commandement du bateau à l'équipage de Samoth n'est-elle pas la dernière des décisions à prendre ? Qu'importe... Plus rien n'a d'importance...

Le Second rétracte ses lèvres, se sentant à nouveau rattrapé par ses larmes qui réclament leur évasion à grands coups de picotements dans les yeux, le faisant serrer un peu plus les mains qui se mettent à trembler sous la pression... Il pourrait pleurer, il est caché, il n'a aucun complexe à le faire devant Morgan, beaucoup moins qu'il y a dix ans en tout cas... Mais aujourd'hui il a l'impression que son poste de Second est son costume de deuil, les grandes pontes ne doivent pas pleurer, ils doivent assumer la perte, porter ce lourd fardeau sans flancher... Morgan ne peut physiquement pas pleurer à cause de sa malédiction mais le quartier-maître est persuadé intérieurement qu'il ne le ferait quand-même pas... Il prend une grande inspiration qui soulève ses épaules avant qu'elles ne retombent lourdement, le voûtant un peu plus... Il sépare ses deux mains, la gauche pendant lamentablement à côté de sa jambe, comme désarticulée, tandis que la droite vient se poser par-dessus les articulations de celle de Morgan, glissant ses doigts entre les siens...

Et finalement il vient perdre son visage dans le creux de son épaule pour sangloter bruyamment.









Black Sails at Midnight


L'hommage aux disparus touche à sa fin, les voix s'éteignent en chœur et bientôt un nouveau silence morbide reprend ses droits sur le pont du Black Sails. La brise légère continue à souffler dans les quelques voiles encore bandées et les regards se perdent en direction des vagues pour les plus courageux, en direction du sol pour les autres. C'est vers le bas que Morgan regarde avant de se décider à relever la tête pour s'adresser à ses camarades sans réelles convictions afin de leur donner quelques directives, mais plus appréciable encore un quartier libre afin de permettre aux hommes de se reposer le temps de la traversé qui les conduira vers le prochain port. L'idée de confier les taches les plus importantes de son navire aux hommes de Samoth est loin d'enchanter le Capitaine maudit qui regarde pourtant la plupart de ses survivants se diriger vers la cale où ils disparaissent rapidement. Le peu qui ont rejeté la proposition se sont déjà remis au travail, avec un peu de chance s'occuper de ce cher Black Sails leur permettra d'occuper leur esprit torturé par le chagrin.

Normalement, Morgan aurait pu rester sur le pont avec les autres, ce n'est pas comme s'il avait besoin de reprendre des forces ou se remettre de ses blessures, mais c'est en constatant l'absence totale de réaction de son meilleur ami et Second qu'il décide finalement d'aller trouver Adrian afin de lui confier temporairement la surveillance du bâtiment. Ca lui coûte de l'empêcher de prendre un peu de repos, mais il n'y a qu'à lui qu'il fasse suffisamment confiance après Adam pour se genre de poste, et bien entendu le Maître d'équipage le sait. C'est donc sans crainte -ou presque- que le forban s'approche de son cadet pour le saisir tout doucement par le bras afin de ne pas le brusquer. Adam ne semble même pas remarquer qu'il vient de se faire saisir, tout comme il n'a même pas l'air d'entendre la voix de son Capitaine lui adresser la parole. Mais Morgan ne lui en tien pas rigueur, il l'emmène sans même lui demander son avis jusqu'à la cabine qu'ils ont l'habitude de partager et referme la porte à double tour une fois à l'intérieur. Le pirate maudit commence par tirer les rideaux, pour tamiser la lumière du soleil, attrape les draps couvert de sang de son lit et les balance un peu plus loin sans même y prêter la moindre attention, puis tout aussi machinalement et dans le plus parfais silence, il les remplace par des draps propres... qui au bout du compte ne le resteront sans doute pas longtemps.

Morgan n'ayant pas pris la peine de se changer après la bataille, ses vêtements sont toujours déchirés de part en part, l'une de ses manches pend le long de son bras le torse de la chemise est en lambeau et criblé de trous et ses foulards sont complètement déchirés... sans parler des taches de sang coagulés qui ont fait passer le tissus de blanc cassé à brun noir et qui recouvrent également son pantalon, ses bras, ses mains et son visage. Le ruffian s'assoit pourtant sur le lit en se laissant choir lourdement, poussant un long soupir de dépit comme s'il venait de faire quelque chose d'épuisant. Toujours dans le plus grand silence, il esquisse un petit signe de la tête à l'attention d'Adam qui semble entièrement perdu dans un monde qui n'appartient qu'à lui et l'invite à le rejoindre, ce que le Quartier-maître fait presque machinalement comme s'il l'avait même pas conscience de ses gestes. Le pauvre fait peine à voir, si ses blessures sont soigneusement dissimulées par tous son attirail, Morgan peut clairement toute les voir à travers les vêtements, le bandeau, les chaussures, tout comme il peut comprendre par la simple expression de son visage toute la douleur qui le taraude intérieurement. Mais à quoi bon parler, dire que tout ira bien, que le pire est derrière eux. Ca ne les rendra pas plus heureux, ça ne changera pas le massacre qui a eu lieu cette nuit et ça ne fera pas disparaître le chagrin et la sensation de manque qu'ils éprouvent alors qu'ils doivent seulement réaliser que leurs amis de longues dates ont disparu au cœur des abîmes à tout jamais.

Le calme et l'absence de bruit n'est pas une source de réconfort, ils sont appréciable, mais le Capitaine a l'esprit ailleurs. C'est la première fois depuis longtemps qu'il se sent responsable de quelque chose, qu'il... éprouve des remords. Intérieurement il n'a de cesse de se demander si ces vies n'auraient pas pu être épargnées s'il n'avait pas fait hisser les couleur du Black Sails, s'ils avaient répondu à la charge des canons, si les hommes n'avaient pas été ivres en pleine mer... La réponse lui saute aux yeux comme une douloureuse vérité : Evidement que des vies auraient pu être épargnées. Morgan a toujours mis un point d'honneur à assumer ses actes, du genre à ne jamais accepter d'avouer qu'il avait tord, il préférait toujours se dire que c'était ses choix et qu'il devait en être ainsi et pas autrement. Mais aujourd'hui, le forban n'arrive pas à assumer, il s'en veux atrocement et se sens responsable de la mort des vingt et un nom qu'il a récité plus tôt, tout comme il craint sérieusement que les survivants du Black Sails ne le tiennent pour responsable du massacres qu'ils ont essuyé... oh ils auraient parfaitement raison, en fait, il ne pourrait même pas leur en vouloir, mais une mutinerie maintenant... c'est la dernière chose dont son moral ai besoin... la dernière chose dont tout le monde ai besoin.

La tête basse, perdu dans ses pensées, il détourne vivement la tête vers son presque frère lorsqu'il sent sa main venir se poser doucement par dessus la sienne. Il regarde leurs doigts s'entrecroiser et les enserre autant pour rassurer Adam que pour son propre besoin de contact. Ses iris émeraudes remontent ensuite vers le visage du Quartier-maître, il regarde droit devant lui et ses yeux brillent jusqu'à ce que ce même visage vienne tout à coup disparaître au creux de l'épaule du Capitaine qui n'est même pas étonné d'entendre son Second éclater ni plus ni moins en sanglot. Un bref soupire s'échappe de ses narines, il se demandait quand est-ce qu'Adam finirait par craquer, c'était évident qu'il en ressentait le besoin depuis la cérémonie funéraire... peut être même depuis bien avant. Un court instant immobile, Morgan resserre finalement un peu plus son étreinte sur les doigts de son meilleur ami, puis il se détourne délicatement pour se retrouver face à lui et passer sa main libre dans ses cheveux, les caressant très légèrement. Il ne bouge pas, le console à peine, ne souhaitant pas entacher la dignité de son presque frère en agissant comme s'il était entrain de consoler un enfant. Il se contente d'être là, présence rassurante et solide sur laquelle il peut se reposer aussi longtemps qu'il le souhaitera.

Intérieurement, le Capitaine maudit ne peut s'empêcher de jalouser Adam. Son absence de pointe au cœur, de sentiments de lourdeur, de sensation d'avoir les yeux qui pique et la gorge étranglée... il a l'impression de n'être qu'une coquille vide sans une once d'humanité, incapable de ressentir une quelconque douleur pour la disparition de ses frères d'armes. Les sanglots à peine étouffés contre son torse le rappelle à la triste réalité, ce n'est pas le moment de s'apitoyer sur son sort, il y a quelqu'un qui a besoin de lui, là, maintenant. Le silence n'est troublé que par les pleurs du cadet que Morgan soutient calmement, emmêlant subtilement ses doigts dans les mèches de ses cheveux et un triste sourire pare ses lèvres alors qu'il vient murmurer tout bas.

- Tu sais... parfois on a l'impression d'avoir fais les mauvais choix au mauvais moment... mais ça ne veut pas dire qu'on a agit pour de mauvaises raisons... Il se force à déglutir, comme s'il en avait mentalement besoin. On a tous ressentit l'envie de pleurer un jour... alors... tu peux pleurer...

Le Capitaine continue de caresser ses cheveux, gardant sa main fermement logée contre la sienne et passant son pouce sur sa peau. Puis il baisse la tête, son sourire disparait et ses lèvres se pincent, il vient poser son front contre celui de son Second et ferme les yeux. Morgan a bien remarqué que tout comme lui, Adam se sentait en partie responsable du massacre des hommes alors qu'il était parti seul affronter les marines sur la frégate, mais le forban est intimement persuadé que sans ce geste de la part du Quartier-maître, ils auraient au contraire eu à déplorer plus de perte encore. Son agacement est à son comble alors qu'il voudrait simplement pouvoir échapper une larme, une seule, quelque chose pour se prouver à lui même qu'il n'est pas totalement insensible aux sanglots d'Adam, à la mort de ses compagnons... mais rien, définitivement rien. Il pourrait jurer, mais il se contente de serrer les dents et de crisper ses épaules, il veut rester fort devant son presque frère... mais pas la peine de se leurrer, si le Capitaine est capable de lire à travers son Second sans la moindre difficulté, il sait qu'il en va de même pour Adam. La commissure de ses lèvres s'étire comme s'il allait pouvoir éclater en sanglot à son tour, mais il se contente de murmurer à nouveau sur un timbre de voix qui laisse entendre toute sa frustration.

- Et si tu pouvais en verser quelques unes pour moi... promis je le dirai à personne...










Black Sails at Midnight

Adam se sent misérable et fragile, une pauvre chose qui se fait ballotter par vents et marées. Le vide dans son cœur est aussi présent dans sa tête et il n'est plus capable d'aligner une seule pensée cohérente, pas une phrase ne résonne dans son esprit, il n'entend que le sang qui pulse dans ses oreilles et bat dans sa poitrine. Pourquoi dans ses veines et pas celles de tant d'autres ? Il ne le mérite pas plus qu'eux... pourquoi est-il toujours si chanceux ? Pourquoi ? C'est tellement injuste... pour la première fois de sa vie, l'idée insensée de maudire sa bonne étoile lui torture la pensée dans un paradoxe qui réveille en lui une profonde frustration. Qui, bon Dieu, qui sort vivant d'un assaut en solitaire sur une frégate pleine à craquer, uniquement armé de son manque de discernement et de son esprit éméché ?! Personne, alors pourquoi lui ? Pourquoi... Pourquoi survivre fait si mal... Pourquoi n'arrive-t-il pas à se réjouir d'être miraculé, vivant ?

Cet esprit à la fois vide et torturé n'est plus du tout connecté à son corps qui fait sa vie tout seul. Réflexe mécanique, animal, de survie, sa main vient se mêler à celle de Morgan pour y trouver du réconfort, de la force, du soutien... Lui, il est encore là... son capitaine qui est tout pour lui... Et Adam aussi... parce qu'il ne peut pas l'abandonner. Il a ses raisons de rester là... C'est ça. Que ses camarades patientent un peu, son heure n'est pas encore venue. Alors qu'ils le pardonnent s'ils le veulent bien... il va pleurer pour eux et envoyer ses pensées accompagner leur dernier voyage. Il ne garde bien évidemment pas sa retenue très longtemps et finit par s'effondrer contre son presque frère pour sombrer dans de lourds et bruyants sanglots. Il a besoin de décharger toute cette peine, cette culpabilité maladive, cette rancune de lui-même qui lui ronge les entrailles et brûle ses yeux s'humidifiant pour éteindre ce douloureux brasier. Son nez et par extension tout son visage vient se cacher dans les plis de la chemise en lambeaux de son meilleur ami, la baignant de larmes et étouffant sa voix dans le tissu souillé et déchiré. Il sent la main de Morgan serrer plus fort la sienne, ce qu'il fait aussi pour y  puiser du réconfort, et il se laisse manipuler pour pouvoir se retrouver un peu plus face à lui. Les doigts libres viennent doucement et discrètement caresser son cuir chevelu pour le consoler et Adam peut sentir dans les gestes légers, presque une brise, de son presque frère qu'il est en train de se faire juste assez délicat pour ne pas le vexer dans son orgueil... Mais la dignité, le Second l'a jetée à l'océan avec ses compagnons, il l'a oubliée au moment où il a laissé le chagrin inonder son visage. Il aimerait juste se blottir contre son indéfectible camarade, le serrer de toutes ses forces.

- Je suis... vraiment content... que tu sois encore là... Merci...

C'est risible et ridicule quand on sait que son aîné ne peut pas mourir, que c'est bien lui qui a failli y laisser sa peau. Mais il ne peut s'empêcher d'être reconnaissant, soulagé. Le phare de sa vie brille toujours.

Il devine le sourire amer de Morgan et sent sa déglutition par le mouvement de sa gorge et se demande s'il est bien légitime, correct, de se mettre dans cet état devant son meilleur ami qui en est physiquement incapable... Mais il ne peut pas s'en empêcher. Aujourd'hui, il a besoin d'être égoïste, il a besoin de penser à lui, aux autres... Désolé Morgan, tellement désolé, mais c'est plus fort que lui...

Il s'arrête une instant de sangloter pour écouter son alter ego prononcer des paroles qui se veulent rassurantes... mais doit-il vraiment se réconforter en pensant qu'il ne voulait pas mal faire ? Est-ce qu'il peut vraiment être sain d'esprit en se disant qu'il ne pensait pas mal faire, même si le résultat a été catastrophique ? Il n'arrive pas à s'en convaincre... Normalement on dit plutôt que la fin justifie les moyens et même s'il a toujours voulu conserver un code d'honneur qui lui était propre, à l'heure qu'il est il préférerait cent fois avoir commis des atrocités si le résultat aurait pu faire monter en lui de la satisfaction honteuse à la place de cette peine qui l'envahit toujours un peu plus. Morgan l'encourage à ne pas se retenir de pleurer ? Il ne l'a pas attendu pour ça, écoulant sa peine le long de ses vêtements ruinés et de sa peau en partie dénuée, laissant des traînées humides au milieu des tâches de sang séché...

Leur front viennent finalement se coller l'un à l'autre dans un bien triste face à face mais Adam n'ose pas soutenir le regard de son ami de toujours, il peut sentir l'infime courant d'air des cils qui battent comme pour échapper des larmes, il a les yeux fixés sur sa bouche qui se tord et qui serre les dents, il comprend que Morgan est aussi perdu que lui... et qu'au contraire de son cadet qui aimerait pouvoir oublier sa peine et arrêter de pleurer, il voudrait tant pouvoir lâcher une larme, rien qu'une. Une de ses mains quitte le tissu sur lequel elle s'était crispée et va passer dans la nuque de Morgan sans esquisser le moindre mouvement... juste pour lui signifier par un simple geste qu'il ne l'oublie pas, qu'il sait. Mais quand la voix emplie de frustration de Morgan vient à ses oreilles, le Second est comme touché au cœur et il s'arrête brusquement de pleurer, calmant ses spasmes de tristesse. Il relève un peu la tête sans séparer les deux fronts pour enfin plonger ses pupilles dans celles de son capitaine en retroussant sa lèvre inférieure agitée. Il déglutit et prend une difficile inspiration avant de délier sa main de celle de son meilleur ami et de la porter, ainsi que sa jumelle qui quitte la nuque de son aîné, jusqu'à ses yeux pour sécher ses larmes avec ses pouces. Il passe ensuite ses doigts autour du visage de Morgan, les glissant dans ses mèches et autour de ses oreilles, et passe naïvement ses deux pouces sur les paupières de son ami presque frère et passe sur ses joues pour rejoindre son menton, traçant deux verticales humides sur son faciès.

Adam laisse ainsi passer les secondes, fixant simplement Morgan, respirant lourdement, pas vraiment remis mais reprenant son calme tant que faire se peu. Une violente fatigue l'assaillit alors, le contrecoup d'un pillage, d'une nuit de débauche puis d'une nuit sanglante, d'un triste ménage jusqu'à une cérémonie éprouvante et de la crise de larmes qu'il vient de faire... Il n'en peut plus, ses paupières se font lourdes et il sait qu'il n'arrivera pas à se relever... Que quand il les fermera... Mais sur quoi va-t-il les rouvrir ? Quelle mauvaise nouvelle lui tombera à nouveau dessus ? Quelle nouvelle mort sera à déplorer ? Il ne veut juste pas y penser.

Le quartier-maître laisse alors glisser ses mains le long du cou de Morgan jusqu'à ce que ses bras coulissent le long de ses épaules pour l'enlacer, son menton reposant contre son cou, sa tête juste à côté de la sienne, et son champ de vision s'assombrit peu à peu jusqu'à ce que le sommeil l'emporte.









Black Sails at Midnight


Les sanglots d'Adam, Morgan les encaisse dans le silence et le respect le plus total. Il n'est pas pris au dépourvu, en fait, il s'y attendait presque, non, c'est même précisément pour ça que le Capitaine maudit a choisit de s'isoler avec son presque frère. Depuis son sauvetage sur la frégate le ruffian a bien comprit que son Second traine avec lui une indicible et ineffaçable culpabilité... à tord selon lui, il est probablement même l'un des héro du Black Sails, lui qui c'est jeté sans la moindre hésitation dans un combat perdu d'avance afin de faire cesser l'affluence des marines à sa source. Adam n'est ni immortel ni surpuissant, et aux yeux de son ainé, il a en lui bien plus de courage et de force que lui, qui ne possède aucun mérite à sortir sans la moindre égratignure -ou presque- d'un combat contre tout un Brick de Corsaire et une armée de soldat. En fait, quand Morgan se plonge une seconde dans cette réflexion, il se surprend même à réaliser que s'il avait été à la place de son Quartier-maître... il serait sans doute mort peut être une dizaine ou une vingtaine de fois, si ce n'est plus. Combien de coups mortels a-t-il encaisser en plein cœur? En pleine tête? Combien de coupures auraient du le faire se vider de son sang ou l'alléger de ses entrailles? Il ne les compte pas... il ne les compte plus depuis longtemps, le forban a oublié ce qu'est la prudence ou la peur pour lui même et aujourd'hui il se sent presque ridicule d'oser se venter d'avoir pu sauver moins d'une dizaine de ses hommes... non, il n'a aucun mérite à se sentir fier, en fait, il a même plutôt honte.

Ses mains caressant doucement la chevelure ébène d'Adam, le Capitaine est plongé dans ses réflexions, il s'égare loin dans ses pensées à peine troublées par les pleurs bruyants de son cadet, conservant un calme et une prestance propre à lui-même, incapable d'imiter son meilleur ami et de partager sa souffrance, il ne peut que la supporter, comme un pilier stable et rassurant, soutenant le corps meurtrit d'Adam qui noie son chagrin dans les lambeaux de sa chemise couverte de sang, probablement un peu du sien... et maintenant de ses larmes également. La voix chevrotante du Second l'émeut, et il crispe légèrement ses doigts sur ceux de son camarade, accentuant ses caresses pour étirer un sourire amer aux remercîments qu'il ne comprend pas vraiment, se serait plutôt à lui de le remercier de ne pas avoir péri cette nuit. Mais puisqu'il n veut pas se perdre en dialogue inutile, tout comme il ne tien pas à remettre en questions les mots d'Adam, le ruffian se contente de lui répondre d'une voix douce et rassurante.

- Oui... je suis là... et ça n'est pas près de changer...

Comment lui en vouloir d'être bouleversé? De vouloir se libérer de sa peine et ses remords, son corps réclame cette libération alors pourquoi devrait-il la retenir puisqu'il lui est possible de la décharger? Oui, Morgan envie un peu son meilleur ami d'être capable de ressentir le chagrin le prendre aux tripes, mais il s'efforce de se rassurer en se répétant encore et toujours que s'il pense et repense encore à ses frère d'armes disparus, c'est un peu sa façon à lui de les pleurer. Les paroles du Capitaine maudit cherchant à calmer la douleur de son Second se perdent dans le vide et le silence alors que les sanglots d'Adam se calment légèrement, sans pour autant atténuer sa tristesse il se doute bien. La main qui vient délicatement se déposer sur sa nuque le surprend un peu, mais il ne réagit pas, se contentant de garder les yeux fermés et de poursuivre ses caresse dans les cheveux de son presque frère. Il voudrait pouvoir le remercier d'être là pour lui, lui aussi, mais au bout du compte, Morgan ne parvient pas à retenir une dernière remarque, emplie de cette frustration qu'il n'arrive pas à ravaler une bonne fois pour toute. Il pourrait presque feindre une crise de larmes... sans les larmes... si seulement ça pouvait apaiser sa conscience.

Et pourtant, contrairement à ce qu'il aurait inconsciemment souhaité après la demande qu'il avait indirectement formulé, Adam cesse ses pleurs presque instantanément. Le regard de Morgan reste indéniablement rivé sur leur main liées ensembles, refusant d'affronter le visage plein de larmes de son Quartier-maître, jusqu'à ce que celui ci ne vienne détacher ses doigts de ceux du Capitaine qui accepte de les lâcher à contre cœur, les retenant une ridicule seconde pour finalement ressentir une triste impression de solitude alors que la seconde main d'Adam quitte également sa nuque. Intrigué, le pirate maudit fini tout de même par relever doucement la tête pour soutenir les deux iris océan encore chargés d'eau salée, leur silence n'éprouve nul besoin d'être brisé, tout passe par ces regards qui s'accrochent, se harponnent désespérément l'un à l'autre comme un naufragé à son radeau et Morgan cligne plusieurs fois des paupières alors que son Second sèches ses larmes avant d'encadrer son visage de la paume de ses mains. Les traits du pirate se pare de micro-expressions mêlées d'incompréhension, de nervosité et de chagrin, lorsque les deux pouces de son meilleur ami viennent doucement se poser sur ses paupières. Il ferme instinctivement les yeux et ne les rouvrent que lorsque les doigts ont terminé leur course le long de ses joues. Les larmes qui peignent sa peau ne lui laisse aucune sensation de froid ou de chaud, c'est à peine s'il peut les sentir et pourtant il sourit à Adam, retenant presque un petit rire, profondément touché par ce geste qui signifie tant de chose.

- Merci... Murmure-t-il simplement.

Après un bref instant à s'observer mutuellement, Morgan vient entourer ses bras dans le dos de son cadet au même titre que celui ci enlace ses épaules pour reposer son menton au creux de son cou. Il l'enlace et échappe dans le même temps un long soupir allant perdre son visage contre ses mèches sombres. Rapidement, il sent le corps de son Second se faire de plus en plus lourd, sa respiration plus ample et il peut presque entendre les battement de son cœur se calmer. Il doit de plus en plus soutenir le poids qui s'affaisse sur lui et finalement, Adam s'endort bercé par les remous du navire et le léger balancement de son ainé qui l'étreint paisiblement. Qu'il profite de cet instant de repos, Morgan était bien plus inquiet à l'idée que celui ci ne retrouve plus le sommeil avant un certain temps alors il choisit de rester dans cette position encore un moment avant de se décider à allonger délicatement Adam sur le lit, l'observant dormir un court instant avec un sourire attendit. Il à l'air si paisible. Puis, il se décide finalement à quitter la cabine pour retrouver l'austérité de son cher et tendre Black Sails. En passant la porte, le pirate maudit retrouve un semblant d'assurance, ou plutôt il feint d'avoir repris possession de ses moyens. Adrian a bien travaillé... c'est aussi le moment pour lui de se reposer un peu et de laisser au ruffian reprendre son poste. Même si son navire n'est encore maintenant guère plus qu'une épave flottante... il en reste encore et toujours... le Capitaine.




FIN DU CHAPITRE
A suivre dans : "The Huntmaster"



(Chapitre 1) Black Sails at Midnight
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